S'il est minuit dans le siècle
Victor Serge [Serge, Victor]
L'auteur Victor-Napoléon Lvovich Kibaltchiche - alias Victor Serge, Le Rétif, Le Masque, Ralph, Victor Stern, Alexis Berlovski, Sergo, Siegfried, Gottlieb, V. Poderewski et quelques autres pseudonymes - naît en exil, à Bruxelles, le 31 décembre 1890, de parents russes, et meurt, toujours en exil, à Mexico, le 17 novembre 1947. Le livre
La rue des Prisons garde son nom, par un hasard fait d’une suite d’oublis ou parce que la vérité s’impose quelquefois sans violence au travers des mots qu’on lui oppose. Depuis qu’un arrêté du Centre régional a élevé Tchernoé au rang de chef-lieu de rayon, la vieille petite prison d’autrefois ne suffit plus à contenir les ex-paysans cos-sus dépossédés, les paysans pauvres et moyens complices des cossus, les petits fonc-tionnaires ruraux indulgents envers ces ennemis du socialisme, les prévaricateurs, les dilapidateurs, les… On a donc réquisitionné les maisons voisines, on y a mis du fil de fer barbelé aux fenêtres, on a mis devant les fenêtres des factionnaires qui sont le plus souvent eux-mêmes des prisonniers, membres du parti, il est vrai ; et cela fait une rue discrètement animée. Au bout, le ciel, car elle débouche sur le boulevard qui borde le promontoire. Un ciel presque toujours cristallin, d’une pâleur pure, si limpide qu’il révèle nettement l’infini et fait désirer, en plein jour, des étoiles. En face de la prison, hiver comme été, des femmes sans âge vendent au verre des graines de tournesol. Des gens viennent parler du trottoir aux enfermés… (« Pas si fort, fait le factionnaire, et pas de si près, citoyenne ! C’est pas un club, ici. – Mais si, jette Elkine en passant, le club de la Volonté du Peuple… »
La rue des Prisons garde son nom, par un hasard fait d’une suite d’oublis ou parce que la vérité s’impose quelquefois sans violence au travers des mots qu’on lui oppose. Depuis qu’un arrêté du Centre régional a élevé Tchernoé au rang de chef-lieu de rayon, la vieille petite prison d’autrefois ne suffit plus à contenir les ex-paysans cos-sus dépossédés, les paysans pauvres et moyens complices des cossus, les petits fonc-tionnaires ruraux indulgents envers ces ennemis du socialisme, les prévaricateurs, les dilapidateurs, les… On a donc réquisitionné les maisons voisines, on y a mis du fil de fer barbelé aux fenêtres, on a mis devant les fenêtres des factionnaires qui sont le plus souvent eux-mêmes des prisonniers, membres du parti, il est vrai ; et cela fait une rue discrètement animée. Au bout, le ciel, car elle débouche sur le boulevard qui borde le promontoire. Un ciel presque toujours cristallin, d’une pâleur pure, si limpide qu’il révèle nettement l’infini et fait désirer, en plein jour, des étoiles. En face de la prison, hiver comme été, des femmes sans âge vendent au verre des graines de tournesol. Des gens viennent parler du trottoir aux enfermés… (« Pas si fort, fait le factionnaire, et pas de si près, citoyenne ! C’est pas un club, ici. – Mais si, jette Elkine en passant, le club de la Volonté du Peuple… »
年:
2012
语言:
french
文件:
EPUB, 261 KB
IPFS:
,
french, 2012